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CASINOS EN LIGNE : VERS UNE LÉGALISATION EN FRANCE ?
Légalisation casino en ligne en France : c’est pour bientôt ! Et les opérateurs avancent leurs pions. Mais restons prudents.
Depuis des années, les acteurs majeurs du jeu d’argent en ligne, tels que Partouche et Winamax, ont tenté en vain d’obtenir l’aval des autorités françaises pour la légalisation des casinos en ligne. Mais, face à l’évolution du marché et aux dynamiques du confinement, la France pourrait-elle enfin rejoindre ses homologues européens en autorisant cette pratique ?
Légalisation : le faux départ de Partouche en 2001, bis repetita ? Peut être.
DocteurCasino a exhumé un vieux reportage de M6 datant de 2001 où le visionnaire et délicieux Patrick Partouche exprimait avec assurance : “je considère que c’est ouvert”.
Aussi, dans ce même reportage, Laurent Tapie (fils de Bernard) , depuis Malte pour PartoucheGambling, dans un appartement exigu et sombre, les rideaux tirés en plein jour, affirmait que “les Français peuvent jouer” et que “la France allait ouvrir son marché”.
Ironiquement, les événements ont montré que leurs prédictions étaient loin de se concrétiser.
À l’époque et toujours à l’avant-garde, Partouche avait tenté une incursion sur le marché français via son site Casino770, qui reste actif aujourd’hui (attirant 300 000 visiteurs mensuels) mais qui a fermé ses inscriptions aux français depuis 2014.
Alors, la question se pose : les choses seront-elles différentes cette fois-ci ?
Des opérateurs historiques qui se positionnent en douce sur la ligne de départ ? (des signaux faibles à regarder)
Derrière les lumières des casinos et la frénésie des jeux traditionnels, une manœuvre discrète mais déterminée se joue dans les coulisses du secteur des jeux en France. Les grands noms comme Partouche et la FDJ semblent élaborer en secret des stratégies pour prendre une longueur d’avance dans le monde du jeu en ligne. Partouche offre une expérience presque authentique d’un casino en ligne sans les enjeux monétaires, proposant des jeux avec des jetons fictifs plutôt qu’avec de l’argent réel.
Le site en ligne de Partouche attire déjà 218 600 visiteurs chaque mois, avec un temps moyen de visite de 12 minutes par visiteur, ce qui témoigne de l’ampleur de cette tendance.
De même, la FDJ, profitant de son monopole, digitalise à grande vitesse ses offres en introduisant des jeux en live.
Le Groupe Barrière, quant à lui, reste dans l’ombre avec le lancement d’innovations (Blackjack) sur son application “Barrière Pocket Casino”. Ces mouvements stratégiques, bien que discrets, trahissent leur ambition de s’implanter fermement dans ce secteur avant l’arrivée massive de nouveaux acteurs. En jouant leurs cartes en coulisses, ces géants espèrent se propulser au-devant de la scène une fois le jeu en ligne pleinement légalisé en France, tout en évitant les projecteurs trop tôt. Une tactique audacieuse qui pourrait bien leur garantir une place de choix dans le futur paysage du jeu en ligne français.
L’essor des jeux d’argent en ligne
Alors que la France résiste à la légalisation des casinos en ligne, ces jeux ont connu une croissance exponentielle pendant la période de confinement. Les chiffres sont éloquents : on estime à plus de 6 millions le nombre de Français jouant régulièrement en ligne, beaucoup ignorant la nature illégale de cette activité. Les sommes en jeu s’élèvent à près de 25 milliards d’euros.
Les risques de l’illégalité : un marché gris/noir coûteux
L’absence de cadre légal a donné lieu à un marché “gris”, où les opérations ne sont ni explicitement légales ni illégales, ainsi qu’à un marché noir florissant. Selon certaines estimations, près de 40% des activités de jeux en ligne en France se déroulent sur ces marchés non réglementés. Cela représente plusieurs centaines de millions d’euros de transactions chaque mois. La possibilité pour les mineurs de jouer sans vérification d’identité, ainsi que l’émergence d’arnaques et de méthodes de blanchiment d’argent, sont des conséquences directes de cette situation. Bercy, perdant chaque année jusqu’à 500 millions d’euros en recettes fiscales potentielles à cause de ces marchés illégaux, a longtemps été le porte-parole des acteurs de jeux en ligne plaidant pour une régulation. Une législation adéquate permettrait de taxer efficacement cette industrie tout en protégeant les joueurs et en assurant une concurrence équitable.
Actuellement, le “château” ne s’est pas encore prononcé sur cette question. Toutefois, face au déficit du budget de l’État et à une dette abyssale, la situation pourrait rapidement évoluer.
Vers un changement de perspective ?
Face à la crise sanitaire du COVID-19, les casinos terrestres en France ont subi un coup dur. Selon l’Association Française des Casinos, la fréquentation de ces établissements a diminué de 70% en 2020 par rapport à l’année précédente. Parallèlement, une étude de l’institut Ipsos a révélé que les plateformes de jeux en ligne ont vu leur trafic augmenter de 40% pendant les périodes de confinement.
De plus, l’Agence des Participations de l’État a estimé que le marché du jeu en ligne pourrait croître de 10% par an jusqu’en 2025. La pandémie a donc exacerbé un changement qui se profilait à l’horizon, avec des consommateurs qui privilégient de plus en plus les options numériques. Une autre enquête de PwC a souligné que 35% des joueurs français se sont tournés vers les jeux en ligne pour la première fois pendant le confinement et que 80% d’entre eux ont déclaré qu’ils continueraient à jouer en ligne après la fin de la pandémie.
Les casinos terrestres font face au principal défi de renouveler et rajeunir leur clientèle, qui tend à vieillir.Par ailleurs, une étude de la société KPMG a mis en lumière le vieillissement de la population fréquentant les casinos physiques, avec une moyenne d’âge de 50 ans et plus, tandis que les casinos en ligne attirent des utilisateurs nettement plus jeunes, avec une moyenne d’âge située entre 25 et 35 ans. Dans ce contexte, nombreux sont les casinos terrestres qui envisagent d’intensifier leurs offres numériques, cherchant non seulement à compenser les pertes dues à la pandémie, mais aussi à s’adapter à un paysage en mutation rapide et à capturer une clientèle plus jeune et technophile.
Legalisation casino en ligne : Le modèle belge, synergie entre casinos en ligne et terrestres face à l’évolution du jeu d’argent
La Belgique, face à la montée du secteur des jeux d’argent en ligne, a emprunté une voie médiane et innovante en matière de régulation. Plutôt que d’opter pour une interdiction stricte ou une libéralisation totale, elle a instauré une collaboration obligatoire entre les casinos en ligne et leurs homologues terrestres. Ainsi, pour obtenir une licence de casino en ligne dans le pays, une entreprise doit impérativement s’associer à un casino terrestre existant. Ce mécanisme garantit un ancrage local pour les opérateurs en ligne, tout en capitalisant sur l’expérience réglementaire des casinos physiques.
Cette réglementation, tout en préservant l’équilibre économique des casinos terrestres, empêche une saturation excessive du marché par divers opérateurs. Elle se traduit également par un maintien des normes élevées en matière de jeu responsable, les casinos physiques ayant déjà adopté des mesures de protection robustes pour leurs joueurs. De plus, les synergies entre les modes d’exploitation en ligne et hors ligne offrent de nouvelles opportunités promotionnelles et une offre conjointe enrichie.
En termes économiques, selon la Commission des jeux de hasard belge en 2020, les casinos en ligne ont enregistré une croissance de près de 15%, générant environ 1,3 milliard d’euros de mises, dont 70% sont attribuables aux opérateurs historiques ayant des casinos terrestres. Toutefois, certains détracteurs avancent que cette alliance imposée pourrait freiner la concurrence en limitant l’entrée sur le marché aux seuls opérateurs ayant un partenaire terrestre. Malgré ces critiques, le modèle belge demeure une réponse adaptée et intéressante face aux défis posés par l’évolution rapide du secteur des jeux en ligne. (Source : Commission des jeux de hasard belge, Rapport 2020)
L’« affaire Neymar sur Twitch » : un tournant pour la régulation des jeux d’argent en ligne ?
Lorsque Neymar Jr a révélé en direct sur Twitch avoir perdu un million d’euros sur un casino en ligne, l’écho médiatique a été immédiat. Si une telle somme peut paraître dérisoire pour une superstar du football aux revenus colossaux, cette mésaventure a mis en évidence un phénomène grandissant : l’exposition massive des jeux d’argent en ligne à un public jeune et connecté.
La plateforme de streaming, prisée par les adolescents et jeunes adultes, devient ainsi un terrain fertile pour la promotion, volontaire ou non, de pratiques de jeu potentiellement risquées. Les autorités sont désormais face à un double enjeu : réguler les offres de casinos en ligne, souvent opérées depuis l’étranger, et encadrer leur diffusion sur des plateformes populaires comme Twitch. L’incident impliquant Neymar soulève des questions pressantes sur la nécessité d’instaurer des mécanismes de protection pour les spectateurs et joueurs en ligne.
Compenser la transition : Comment le lobby de l’industrie du jeu envisage de soutenir les villes hôtes des casinos terrestres face à la montée du digital
Si les villes accueillant des casinos physiques restent réticentes, des solutions sont à l’étude, comme la création d’un fonds de compensation.
L’indemnisation des villes qui possèdent un casino terrestre à cause de la perte d’activité liée à la montée des casinos en ligne dépend de la réglementation nationale, des négociations locales et des accords entre les parties prenantes. Voici quelques façons dont l’industrie pourrait potentiellement indemniser ces villes :
- Partage des revenus: Une partie des revenus générés par les casinos en ligne pourrait être reversée aux villes qui possèdent des casinos terrestres. Cette redistribution pourrait être basée sur un pourcentage fixe ou variable en fonction des revenus du casino en ligne affilié.
- Taxe sur les jeux en ligne: Une taxe spécifique sur les revenus des jeux en ligne pourrait être instaurée, et les fonds recueillis pourraient être redistribués aux villes qui hébergent des casinos terrestres.
- Investissements dans le développement local: Les opérateurs de casinos en ligne pourraient s’engager à investir dans des projets de développement local, tels que le tourisme, la culture ou les infrastructures, pour compenser les pertes potentielles dues à la diminution de l’activité des casinos terrestres.
- Partenariats et promotions conjointes: Les casinos en ligne pourraient proposer des offres spéciales pour encourager les joueurs à visiter également les casinos terrestres, comme des remises sur les séjours hôteliers, des repas gratuits, ou d’autres incitations.
- Formation et reconversion des employés: Pour les employés des casinos terrestres qui pourraient être affectés par une baisse de l’activité, les opérateurs pourraient proposer des programmes de formation et de reconversion pour les aider à s’adapter aux nouvelles réalités du marché.
- Engagements contractuels: Dans le cas où un casino en ligne est affilié ou partenaire d’un casino terrestre, des engagements contractuels pourraient être pris pour garantir un certain niveau de revenus ou d’indemnisation à la ville hôte.
Il convient de noter que ces mesures ne sont que des suggestions et qu’elles dépendront grandement de la volonté des acteurs de l’industrie, des réglementations gouvernementales et des négociations locales.
Le pays est à un tournant. Avec le paysage en évolution rapide des jeux d’argent en ligne, la France sera-t-elle en mesure de trouver un équilibre entre la protection des joueurs et la capitalisation sur un marché en pleine expansion ? Seul l’avenir nous le dira.